Une idée du lieu où se déroule l'action : le Roi Lion fut une source d'inspiration

Une idée du lieu où se déroule l'action : le Roi Lion fut une source d'inspiration

Chapitre 5 : Une histoire de réquisitoire

La voix puissante de Lion, brisant ce silence devenu insoutenable pour tous, fera se tourner vers lui toutes les têtes de cette assemblée qui regardait en l’air et se tournait les pouces. La violence qu’afficheront ses traits, à la base beaucoup plus marqués que ceux de Lionne, fera sursauter instantanément ces tonnes d’individus dans une gigantesque ola incongrue.
Dans un éclair de fulgurance, il coupera ce silence d’une immense éloquence, avec une voix noire laissant transparaître un certain désespoir :

- Réponse pleine de sens que ce silence ! Quelle idée que de vouloir faire la liste des dégâts causés par ce parasite ; c’est une tâche sans limite et qui nous coûtera la vie si nous ne faisons pas au plus vite ! Devant l’urgence de la situation, l’énumération des charges sera donc rapidement envoyée, et ce, du côté de la décharge. Donc fissa et puis basta ! Ces accusations ne souffrent d’ailleurs d’aucune contestation. Les effets des méfaits d’Homme sont trop flagrants et trop graves. Les contester serait même vaillant et brave! Et puis quoi, nous avons assez souffert par le passé pour que cela ne souffre d’aucune contestation et que cela nous confère d’office le droit d’outrepasser les lois de la justice. Peu importe après tout si nous ne respectons pas de bout en bout le bon déroulement de ce procès tabou !

Il pensera : « D’où vient ce si soudain revirement de mon jugement ? Après avoir prêché en faveur de la prudence, me voilà balançant à tous vents mes humeurs sans nuances… C’est à l’idée de cette liste que je me fais dualiste et que revient mon instinct manichéen. » Plus fort que l’esprit qui le visitait et guidait son comportement et ses répliques, son caractère bien trempé refera surface intempestivement, donnant plusieurs facettes à ce président pacifique comme un océan, avec tout ce que cela implique comme tempêtes et débordements. De toute façon, il ne sera pas à une contradiction près, Lion. Et précipitation et intransigeance annonceront la débâcle de ce procès bâclé par avance.

- A défaut d’établir un cahier de doléances complet, je me contenterais donc de relater mon expérience propre, mon cas particulier, qu’il faudra bien généraliser étant donné que le vécu est peu ou prou le même pour tous et partout.

A la seule pensée de ce camouflet à peine camouflé, la peine l’envahira pour rapidement retomber comme un soufflet, car, par dignité, il se ressaisira afin d’éviter de verser une foule de larmes devant une foule de sujets déjà bien alarmée. Il dira, comme pour se justifier :

- Roi des animaux, c’est moi qui porte une partie de votre fardeau sur mon dos. Je supporte ceux qui souffrent et je m’essouffle à force de les retenir, de les empêcher de tomber dans le gouffre. La nature a fait de moi un être noble, une bonne pâte, c’est mon job que de tenir à bout de pattes le destin du monde et de venir à bout de ce procès immonde.

Se voulant plus démagogique, son ton prendra soudain des teintes tragiques :

- Ma vie résume l’ensemble des maux qu’il cause aux animaux. Ma génitrice fut trucidée par Homme, ce fils de Sodome ! Capturé bébé, à l’âge où la mère raille quand le père berce, je fus l’objet d’une de ses perverses trouvailles en matière de jeu et je servis d’appât vivant pour attirer maman dans un piège honteux. Le fruit de ses entrailles fut aussi la cause de ses funérailles, car, se refusant à m’abandonner, elle tomba, morte, sous les balles d’un amateur de sensations fortes. En rage, je la vis succomber de l’autre côté du grillage. Ayant réussi à m’échapper des griffes d’Homme, j’ai été persécuté et poursuivi tout le reste de mon mauvais bonhomme de vie. Et le coup de couteau de trop fut la vague de chaud, coup de grâce porté par cette race hors de portée, qui a récemment emporté deux de mes aïeux comme un grand nombre de nos vieux, partis en cohorte à cause de la canicule causée par ce cloporte, qui, indirectement aussi, nous encule !

De ces blessures encore sanguinolentes viendra la haine sanguine qu’il vouera à cette race aux sanglantes traces de pas. Le meurtre de sa mère aura été le catalyseur du mépris et de l’horreur que lui inspirait cet unique ennemi et qui avaient grandi en lui en même temps que lui. A ce souvenir, il se sentira à chaque fois bouillir d’ire et son vocabulaire se fera parfois vulgaire. Les auteurs de cette ignoble et maxi-ignominie auront sûrement été inspirés par le scénario d’un dessin animé humain, dans lequel vient un jour l’heure de l’orphelin. A ceci près que Scar, le lascar, et Hyène, son compère charognard, avaient là une apparence très humaine, de même que leur coup de Trafalgar. Comme Simba, Lion rêvera de vengeance contre cette engeance et croira fort en son destin, pourtant encore incertain.

- Devant ce marabout gâcheur de vie de bout en bout et après ce court résumé qui en dit déjà long sur la gravité de ces faits qui dégoûtent et qui ne sont qu’un symptôme qui s’ajoute aux autres, je crois que la culpabilité d’Homme ne fait plus aucun doute. Ceci n’est qu’un banal exemple d’une anormale réalité qui, chaque jour, nous contemple.

Le temps de se calmer, de récupérer de toute cette violence, Lion prendra pleinement conscience de la mission lui incombant. Il aura senti derrière son prosélytisme soudain une présence qui fera de lui, avec un favoritisme certain et sans qu’on lui ait demandé son avis, le déclencheur de la rébellion, le détonateur de la sécession. Car quoi, il aura beau être un leader, il n’empêche qu’il n’était pas sauveteur et sauver Terre ne comptera pas dans les flèches de son carquois. Cette nouvelle capacité à inciter, à indigner afin de fédérer, tout cela ne venait pas de lui, ne faisait partie ni de son inné, ni de ses acquis... Cela ne pouvait venir que d’une force peu commune, et il n’en connaissait qu’une. Ah ! Gaïa... Dans une volonté d’autoprotection et de lutte, elle avait trouvé en lui le terrain le plus favorable à la réalisation de son but, le terreau le plus arable où étaient enfouis les germes de la révolte et aussi celui qui allait donner la meilleure récolte.

Il se sentira investi d’une mission venant d’un divin maintenant moins lointain. Quelle plus belle preuve en apparence qu’Homme avait raison de s’interroger sur l’existence d’une transcendance ? Lui qui avait toujours raillé Homme sur sa manie d’inventer des divinités et sa folie d’attendre qu’elles viennent le sauver… Il faut dire qu’il faut être fort culotté pour implorer une force supérieure tout en causant, à tort et à travers, du tort à sa création et en semant la mort à travers Terre. Il faut même être sincèrement malhonnête ou sacrément fou pour faire des courbettes infâmes quand on bafoue les droits de l’âme. Gaïa, au moins, on ne la priait point, on savait qu’elle était là, point. Nul besoin pour elle d’apparaître, il suffisait qu’on la respecte, elle, son œuvre, son chef d’œuvre. Il avait toujours eu un total respect pour Gaïa en tant qu’esprit originel et vital, comme l’ensemble du règne animal. Mais de là à ressentir quelque chose de pieux, de là à la considérer comme un dieu… De toute façon, il ne pouvait en être question puisqu’elle n’était pas source de perfection : atome par atome, elle avait créé Homme. Il la croyait fatiguée de son excès de créativité, impassible et immobile à jamais. Il la voyait incapable d’autre chose désormais que se reposer, peut-être résignée, lasse de voir ainsi les choses dégénérer. Il la pensait en récréation depuis sa première et dernière procréation, depuis ce mince temps T où elle avait enfanté de Terre, cette si belle création. Ne pouvant admettre le déraisonnable, il imaginait le monde des esprits et le monde terrestre imperméables et c’est ainsi qu’il expliquait cette inertie de Gaïa qui les laissait dans cette situation inextricable.
Pourtant, il lui faudra bien reconnaître que l’irrationnel pouvait être du domaine du réel. Car cette réunion hors du commun, ce langage commun et cette force qui les menaient dans Gaïa sait quelle direction, n’était-ce pas l’illustration même de la déraison ? Voilà qu’enfin Gaïa se réveillait et qu’elle allait se révéler ! Ces intuitions qui fleureront bon la vérité le bouleverseront. C’est par la grâce de Gaïa et grâce à son statut si particulier qu’allait venir le salut ! Et c’est lui qu’elle avait choisi comme messie. Lion, élu pour passer à l’action. Et quel bon son que son blason : Rebelle Lion.
Ces réflexions en solo l’auront saoulé. Las, il reprendra :

- Assez parlé, c’est l’heure de la vengeance ! Moi, Rebelle Lion je vous invite à donner votre sentence ! Finalement, la culpabilité d’Homme est un axiome et il est grand temps de condamner l’humanité pour crime contre Terre entière. Jurés, arrêtons de lui lécher les pieds et les fesses, passons à l’urne, afin qu’il cesse de nous casser les burnes !

Chacun s’apprêtera alors à voter à membre levé, ce qui ne sera pas aisé pour tous les invités. Tel un imbécile, tête levée vers le ciel, Okapi fera montre de sa longue langue protractile comme d’un index levé pour l’appel. Ceux qui auront leurs stratagèmes pour se manifester sans doigt auront déjà commencé à enseigner leur art aux ignares et aux maladroits. Pour ceux-là, quelle cata : Maki montrera à Kinkajou comment se servir de sa queue aussi protubérante qu’encombrante comme moyen d’expression. Utilisant le même instrument pour répondre à cette requête, Serpent à Sonnettes, lui, jouera des castagnettes. Bouquetin des Alpes, dont on pourra lire l’âge sur les cornes colorées, se préparera à brandir en l’air son effilé trophée, qui aura autant d’anneaux que d’années.

Dans ce brouhaha, Lion alors énoncera, presque à contrecœur, une règle essentielle qu’il connaissait malheureusement par coeur :

- Mais ne voulant pas lui retirer tous les droits découlant de sa terrienne citoyenneté, sa culpabilité devra être votée à l’unanimité. Allez, au taquet ! Même attaqués par ce toqué, nous devrons d’abord être tous ok à ce sujet, ce qui ne saurait être qu’une formalité.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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Martin